Cuvée Village en Alsace : pourquoi l’AOC et la DGCCRF se tirent une balle dans le pied

🥂 Un paradoxe qui freine l’essor des vins d’Alsace

En Alsace, nous avons un vignoble millénaire, des terroirs d’exception et des villages viticoles à l’identité forte. Pourtant, nous sommes l’une des seules régions viticoles françaises où il est quasiment interdit de commercialiser une “cuvée village”.

La raison ? Une incohérence flagrante entre les instances de l’AOC Alsace et la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes).

D’un côté, l’AOC reconnaît la valeur des lieux-dits et des dénominations géographiques.
De l’autre, la DGCCRF interdit qu’un vin soit nommé uniquement par le nom d’un village (ex. “Cuvée Molsheim” ou “Vin de Riquewihr”) au motif que cela pourrait induire le consommateur en erreur… sauf si la mention est intégrée dans la dénomination complète de l’AOC.

Vignoble en Alsace
Grand cru Rangen Thann

📍 L’exemple criant des autres régions françaises

En Bourgogne, en Beaujolais ou dans le Rhône, afficher fièrement le nom du village est un gage de qualité et un atout marketing puissant.

Un "Pommard", un "Morgon", un "Châteauneuf-du-Pape" sont immédiatement identifiables, et personne n’y voit une confusion.
En Alsace, ce levier est presque inexploitable, alors même que nos terroirs communaux ont autant de légitimité historique.

Vignoble en Alsace
Grand cru Rangen Thann

🌱 L’Alsace Touch : l’identité des villages avant tout

Les vignerons qui défendent l’Alsace Touch militent pour replacer le village et son terroir au centre de l’identité du vin, et pas seulement le cépage.

Pourquoi ? Parce qu’un Riesling de Molsheim n’a rien à voir avec un Riesling de Riquewihr.
C’est le sol, le microclimat et l’histoire locale qui donnent au vin son âme.
Or, interdire la mention claire et visible du village, c’est priver le consommateur d’une information précieuse et limiter la force de notre storytelling.


🚫 Un frein à l’œnotourisme et à la valorisation locale

  • Les touristes viennent pour les villages autant que pour le vin
  • Les événements viticoles s’appuient sur cette identité communale
  • Les vignerons ont besoin de supports clairs pour relier leur vin à son lieu d’origine

En refusant la mention simple et frontale des cuvées village, on coupe court à une communication efficace… alors même que l’œnotourisme est un moteur de croissance pour la région.


🔄 Une réforme nécessaire

Si l’Alsace veut vraiment défendre ses terroirs, il faut harmoniser les règles et reconnaître le droit de commercialiser des cuvées village comme c’est le cas dans d’autres AOC.

Cela ne veut pas dire renoncer à la clarté pour le consommateur. Cela veut dire lui offrir plus de transparence et plus de sens dans sa dégustation.


🍷 Conclusion : oser nommer pour mieux exister

Les cuvées village ne sont pas une menace pour l’AOC Alsace. Elles sont une opportunité de reconquérir un marché en baisse, de séduire de nouveaux consommateurs et de renforcer notre attractivité touristique.

En restant figés dans cette incohérence réglementaire, nous nous privons d’un levier puissant pour raconter nos histoires et vendre nos vins.

Route des vins d'Alsace
Cleebourg – Source : Wikimedia Commons

ℹ️ Cuvées Village : ce que l’AOC Alsace autorise vraiment

Contrairement à une idée reçue, certaines cuvées village sont bien autorisées en Alsace. Elles correspondent à des dénominations géographiques communales officiellement reconnues par l’AOC Alsace depuis 2011. Elles peuvent apparaître sur l’étiquette après la mention Alsace et le cépage (ex. Alsace Riesling Scherwiller).

Communes actuellement reconnues :

  • Bergheim
  • Blienschwiller
  • Côtes de Barr
  • Saint-Hippolyte
  • Rodern
  • Ottrott
  • Scherwiller
  • Val Saint-Grégoire
  • Wolxheim

⚠️ Important : tout nom de village non inscrit dans cette liste ne peut pas être utilisé seul sur une étiquette. Il doit respecter le cahier des charges et la présentation imposée par l’AOC Alsace et la DGCCRF.

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